A A A

La santé pour tous en R.D. Congo.

Pour des raisons historiques et pratiques, nous concentrons aujourd’hui notre travail sur la RD Congo.

.INTRODUCTION

I. LES PRINCIPALES CAUSES DE LA MAUSAISE SANTE
    1. La pauvreté : première cause de non santé
    2. Le pétrole et l’or tuent
    3. Les guerres nuisent à la santé
    4. L’exode du personnel de santé
    5. La marchandisation économique
    6. La fragilisation du système de santé
       .Brève conclusion de la 1er partie
II. DE ALMA ATA AUX OMD
III. LA SANTE EST UNE CONQUETE SOCIALE
    1. Pas de bonne santé sans conquêtes sociales
    2. Pas de gouvernements « sociaux » sans luttes sociales
IV. LES MUTUELLES DE SANTE POUR RENDRE EFFECTIF LE DROIT A LA SANTE POUR TOUS.
     A .Quelques concepts et valeurs fondamentales
        1. La gratuité des soins : bien poser le débat
        2. La santé a un coût
        3. Pour un financement endogène
        4. Un système fondé sur la SOLIDARITE
        5. ... Et la prévoyance
        6. La responsabilité et la démocratie.
     B. Quelques principes de fonctionnement.
        1. Initiative populaire, loi du nombre et force de l’organisation.
        2. Les cotisations.
        3. La couverture des soins médicaux.
        4. L’équilibre et la viabilité économique durables.
        5. Une gestion rigoureuse et prévisionnelle.
        6. La sécurité tarifaire.
        7. Des normes de qualité de la prise en charge.
        8. Conscientisation et contrôle.
        9. Faut-il un ticket modérateur ?
        10. La question des indigents.
        11. Gérer la complexité.
        12. Adhésion facultative ou obligatoire ?

Conclusions générales

I. La santé pour tous en R.D. Congo

En ce début de XXIème siècle, sur cette terre, tandis qu’une minorité de privilégiés vivent dans une opulence scandaleuse, le lot quotidien de centaines et de centaines de millions d’êtres humains est de croupir et de survivre tant bien que mal dans des conditions infrahumaines.
Les privations, la torture incessante de la faim, les maladies, l’angoisse du lendemain, la terreur provoquée par les guerres et les violences font de leur vie un calvaire sans fin.

Cette situation n’est pourtant pas une fatalité. La Terre pourrait satisfaire aux besoins fondamentaux de base de plus de 12 milliards d’habitants.
Pourquoi dès lors cette situation qui crie vengeance au ciel ? Et que faire pour changer le cours des choses ?

La RD Congo n’échappe pas à cette situation.
Le pays figure parmi les plus pauvres du monde .L’espérance moyenne de vie y est de 52 ans.
La mortalité infanto-juvénile reste très importante (près de 200/1000 naissances vivantes, les épidémies de rougeole, choléra… reprennent de plus belle, plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté…

Le secteur de la santé est en grande difficulté : l’offre de soins est insuffisante et de faible qualité, l’accès aux soins y est difficile pour la grande majorité, tant pour des raisons culturelles, géographiques que financières.
Les dépenses de santé/an/habitant étaient en 2010 de 13 dollars. Sur ces 13 dollars, 7 sont à charge de la population, c’est-à-dire des malades. Pourquoi ? Et que faire pour améliorer la situation ?

Les solutions mises en oeuvre jusqu’aujourd’hui sont-elles adéquates, sont-elles suffisantes ? L’aide internationale est-elle une réponse satisfaisante, durable, digne ?
Chaque peuple, chaque pays a droit à son autodétermination, à sa souveraineté. Les gouvernements qu’ils se choisissent ont le devoir de chercher à satisfaire les besoins fondamentaux de leur population. Quel chemin prendre pour y arriver ? Notamment pour la santé ?

I. Les causes politiques de la mauvaise santé

Les politiques de santé sont certes importantes.
Elles ne pèsent pourtant que partiellement sur l’état de santé d’une population et n’en constituent pas le facteur déterminant.
De nombreuses études l’ont démontré, il n’y a pas de corrélation entre le niveau de dépenses médicales et le niveau de santé, entre le niveau de santé et le taux de consommation de soins médicaux.
Pourtant, dans les discours dominants sur la santé, les causes véritables de la mauvaise santé sont souvent éludées.

1. La pauvreté est le facteur majeur de la détérioration de la santé.

Prenons le cas du SIDA.
La plupart du temps, les taux de prévalence sont expliqués principalement par les comportements individuels et les stratégies de lutte portent quasi-exclusivement sur ceux-ci ; et selon les valeurs et convictions religieuses et philosophiques des uns ou des autres, on insistera davantage sur la fidélité, l’abstinence ou les préservatifs, dont on inonde abondamment les pays africains.
Outre l’aspect moralisateur et culpabilisant de cette approche, elle contribue à occulter les causes essentielles des hauts taux de prévalence dans les pays du Sud.
Plus de 90% des personnes infectées dans le monde habitent dans l’hémisphère Sud.
Si on compare les taux de prévalence chez les jeunes de 15 à 24 ans en Afrique du Sud et dans les pays riches, on observe d’un côté 6,9 % et 0,1% de l’autre (0,05 même au R.U.).
Le comportement sexuel individuel ne peut expliquer ces différences.
Le risque pour les femmes en Afrique subsaharienne de contracter le SIDA est de plusieurs centaine de fois supérieur que dans les pays occidentaux.
En réalité, l’affaiblissement sérieux du système immunitaire de la population est provoqué par la pauvreté, la malnutrition.
L’accès à une nourriture saine, variée, en quantité suffisantes, l’accès à l’eau potable sont des facteurs clés de la bonne santé.
Les coïnfections chroniques, liées elles aussi à la non satisfaction des besoins primaires jouent aussi un rôle important dans la prévalence du SIDA .

La tuberculose, les infections parasitaires (qui touchent prêt d’un quart de la population mondiale – et essentiellement dans le tiers monde), les MST (qui sont celles qui retiennent le plus l’attention de la communauté internationale) sont clairement des facteurs aggravants les risques.
Le débat sur ces autres explications de la progression rapide du SIDA dans les communautés pauvres a été largement esquivé.
Il en est de même pour beaucoup d’autres maladies qui font ravages et de nombreuses victimes, tel le paludisme.
La malnutrition, le non accès à l’eau potable, dont souffre plus d’un milliard et demi d’habitants, l’absence de système sanitaire domestique et d’assainissement des eaux usées, qui est le lot de plus de deux milliards d’humains, les conditions de logement… sont les causes majeures de la dégradation de la santé des populations.

Ces observations sont valables quand on analyse les inégalités Nord/Sud, elles valent aussi pour les pauvres des pays riches.
La pauvreté rend malade.
La pauvreté tue.
La pauvreté n’explique pas tout.
Il faut y ajouter les inégalités sociales qui se font de plus en plus profonde. La distance entre groupes sociaux, les tensions qu’elles provoquent, la dégradation de l’image de soi, le manque de cohésion sociale et de convivialité que ces inégalités génèrent sont aussi préjudiciables pour la santé.

2. Le pétrole tue, l’or tue…

Le pétrole a été et reste la cause majeure des désastres environnementaux.
Ces désastres sont globaux, mais ils s’observent plus particulièrement dans les zones d’extractions.
Et parmi ces dernières, celles localisées dans les pays pauvres, dépendants, dominés ne disposant pas de norme, de règle, de protection du travailleur sont de loin les plus problématiques.

Le pétrole est responsable de la pollution et de la destruction des écosystèmes là ou il est extrait, le long des voies d’acheminement, sur les lieux de transformation pétrochimique et à travers les modes de consommation.

Il est une des causes majeures du réchauffement climatique qui produira d’ici quelques décennies, des dizaines de millions de réfugiés climatiques.

L’augmentation des cancers, des leucémies, est incontestable dans les zones d’extractions. Les études sont accablantes. Au Tchad, au Nigéria en Equateur…
Les populations vivant à proximité des sites d’extractions ont vu leur santé se détériorer gravement : problème de peau, problèmes respiratoires, digestifs, visuels…
L’eau est contaminée, l’air est empoisonné !
L’or et son extraction industrielle faite par les multinationales sont aussi source de détérioration grave de la santé des populations qui vivent à proximité des sites d’exploitation. Outre les impacts négatifs des déplacements forcés des populations, la perturbation des écoulements naturels des eaux, la destruction des terres agricoles… l’histoire de ces exploitations est terrible ainsi que l’ont révélé Alain DENEAULT et son équipe dans l’ouvrage paru en 2008 : « Noir Canada ».

Au Mali, à Sadiola, l’exploitation de l’or par IAMGOLD a provoqué des maladies graves chez les quelques 16 000 personnes habitant les communes de Sadiola et Yatela. Les poussières, chargées d’arsenic, provoquent de graves troubles respiratoires, surtout chez les enfants et les personnes âgées.

Par ailleurs, l’agriculture n’est plus praticable et ne le sera plus pendant longtemps après la fin de l’exploitation… Quinze millions de tonnes traitées au cyanure, à la chaux vive sont déplacées chaque année.

Mais il y pire, les produits chimiques utilisés dans l’extraction, se retrouvent dans l’eau. Les saisons des pluies favorisent les transferts de ces déchets toxiques dans les nappes phréatiques. Les sources d’eau sont polluées conséquence :
les femmes multiplient les fausses couches dans une proportion telle que la communauté sera bientôt décimée.

3. Les guerres nuisent à la santé

Les guerres tuent, directement bien sûr, mais aussi indirectement, par les destructions qu’elles génèrent, l’appauvrissement le plus grand nombre, la recrudescence des épidémies. Durant la 1er guerre mondiale, les civils représentaient 5% des victimes.
Le chiffre est passé à50% lors de la 2ème guerre mondiale.
Dans les quelques dizaines de conflits recensés depuisun quart de siècle, 90% des victimes sont des civils, dont la majorité sont des femmes et des enfants. Ainsi début des années 2000, au Sud Kivu, le taux de mortalité infanto-juvénile était supérieur à 400/1000 naissances vivantes.

La situation d’insécurité qui perdure, l’absence de moyens et d’investissements nécessaire à la reconstruction, continuent à provoquer des victimes.
La population a fui en masse l’insécurité des campagnes, pour venir s’entasser dans les bidonvilles de Bukavu et autres villes… incapables d’absorber correctement un tel afflux de population. Les guerres du Tiers-monde provoquent des exodes massifs de populations et une sur-urbanisation rapide.
Les déficiences nutritionnelles qui accompagnent les exodes sont fatales, les épidémies reviennent : cholera, dysenterie, rougeole, méningite font leur réapparitions, les maladies diarrhéiques sont nombreuses.

Pourquoi ces guerres ? Le contrôle et l’appropriation des ressources naturelles en sont les causes fondamentales, bien qu’elles soient souvent présentées comme les conséquences des rivalités ethniques, religieuses ou comme on l’a vu plus récemment, sous couvert de « défense des droits de l’homme » ou du respect de la démocratie…

Le Congo en est un triste exemple.
Il possède 80% des réserves mondiales de coltan, des gisements d’or et de diamants, de pétrole, du gaz.
Il suffit de suivre la route des groupes armés pour connaitre les lieux de gisement.
Les multiples guerres conflits qui y ont sévi depuis 1996 auront fait plus de 5 millions de morts.

Il faut encore évoquer l’impact des conflits sur la santé mentale qui est, dans toutes les zones de conflits, un problème majeur de santé publique. Les troubles du stress post-traumatiques sont très nombreux, à des degrés divers !

Les déplacements forcés, les violences et les sévices subis, l’occupation, l’enfermement (comme à Gaza)… déstructurent les communautés, provoquent l’éclatement des familles, font perdre valeurs et repères traditionnels, entraînent la violence familiale l’abandon des femmes et des enfants ainsi rendus doublement victimes.
Les enfants des rues, issus de ces problèmes, grandissent avec drogue et violence pour survivre au quotidien.

4. L’exode du personnel de santé.

Cet exode, résultat lui aussi des pauvretés et des conflits, constitue pour l’Afrique un facteur aggravant de la détérioration de la santé des populations.

La pénurie du personnel de santé (médecin et infirmiers) en Europe et au USA (on estime qu’il va manquer un million de médecins aux USA d’ici quelque années) conjuguée aux conditions pénibles de l’exercice de la médecine en Afrique, provoque l’exode de dizaines de milliers de professionnels de la santé.

L’Afrique du Sud par exemple, on vu un grand nombre des médecins qu’elle a formé s’expatrier en Europe ou aux USA, le contraignant a son tour à attirer chez elle des médecins de pays africains plus pauvres, dont de nombreux congolais.

Cet exode fragilise gravement le système de santé des pays pauvres. On légitime parfois cet exode en soulignant que les expatriés transfèrent vers leurs familles et communautés des sommes importantes. (Estimées d’ailleurs à 2 à 3 fois plus que l’argent versé par les politiques de coopération au développement des pays riches). C’est vrai, l’analyse pertinente n’est pour autant pas celle là. Il s’agirait de chiffrer d’impact du non développement sanitaire et ses conséquences.

En outre, la CNUCED a estimé l’économie réalisée ainsi par les pays qui bénéficie de cet exode sur les coûts de formation du professionnel à près de 200 000 dollars pour chaque professionnel âgé de 25 à 35 ans…

5. La marchandisation économique

La mondialisation économique, imposée depuis trois décennies, dans une logique capitaliste et néolibérale, telle qu’elle est mise en ouvre par les grandes multinationales et impulsée par les institutions financières internationales (BM, FMI, OMC.) creuse gravement les inégalités entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres.

Les politiques d’ajustements structurels imposées dès les années 80 ont mis durablement à mal les politiques sociales des pays du Sud.

L’étranglement des économies nationale du Sud par la dette, les termes inégaux des échanges, les pillages des ressources naturelles, les prix fluctuants des matières premières, la spéculation sur les denrées alimentaires… ont empêcher de façon radicale le décollage d’un véritable développement intégral.

Le programme d’aide humanitaire d’urgence, consécutifs aux drames notamment provoqués Par les guerres pour le contrôle des minerais stratégique ne feront que favoriser et accroitre la recolonisation des économies du Sud.

Les politiques promues par les chantres du libéralisme : retrait de l’Etat, privatisation des entreprises publiques, dérèglementation, productions tournées vers l’exportation (notamment dans le secteur agricole) au détriment d’un développement autocentré, accord des libre-échanges multiples (surtout imposé aux pays pauvres)…sont incompatibles, radicalement et définitivement avec un développement durable et répondant aux intérêts véritables des populations du Sud. En outre, et on commence enfin à en prendre la mesure, les conséquences écologiques et climatiques de ces politiques néolibérales depuis 30 ans seront dramatiques, surtout et d’abord pour ceux dont l’existence se résume a une lutte pour la survie , (quand on dépend de la maigre récolte a venir pour ne pas mourir, c’est autre chose que du voir le prix du beurre ou des pommes de terre augmenter dans les supermarché dont les rayons de nourriture pour chats et chiens ne désemplissent pas ).
Si rien n’est fait pour inverser la tendance, c’est la survie même de l’humanité qui est menacée.
Il est à craindre que le XXI siècle vivra des barbaries sans nom, au regard desquelles celles qu’a connu le 20ème siècle apparaitront bien relatives….

L’empreinte écologique actuelle de l’humanité est aujourd’hui telle qu’on consomme plus que ce que la terre peut nous donner comme ressources et c’est un peu plus vite chaque année.
Cette empreinte écologique disponible en 2005 était de près de 2,1 ha/habitant.
On a déjà dépassé ce seuil. La moyenne est déjà à 2,7 ha moyenne cache d’énormes différences.

En effet, l’Amérique du Nord a un coefficient écologique de 9,2 ha/habitant, l’Union Européenne de 4,7 ha, le Moyen Orient de 2,3 ha, l’Amérique Latine de 2,4, la Chine de 2,1 et l’Afrique de 1,4 ha.
Le niveau de vie des américains moyens n’est pas généralisable. Les populations riches, vivant largement au dessus du seuil supportable, accepteront elle de bonne guerre de modifier profondément leur mode de vie ?

Empêchera t’on les pays émergents et tous ceux qui veulent les rejoindre de mener les politiques de croissance industrielle et d’augmenter leur empreinte écologique ?
Face à ces questions, qui peut aujourd’hui exclure des hypothèses et des solutions fatales pour des millions de pauvres ?

Le secteur de la santé n’a pas été épargné par cette vague néolibérale. La santé est désormais considérée comme une marchandise, un bien qu’on monnaye parfois bien cher… si on en a les moyens, et qui est source de profit.

L’accord général sur le commerce des services (AGCS) a défini plusieurs champs et modes de négociation concernant la santé.
Ils concernent les mouvements transfrontaliers des services, la consommation de soins à l’étranger, les investissements étrangers dans les entreprises de santé (et les droits du travail auxquels ils sont soumis).

Le secteur de la santé est désormais un marché, un secteur d’affaires lucratives, parfois cotée en bourse, une histoire de ventes et d’achats de services, de marché d’assurance.
Le secteur du médicament est le théâtre d’une guerre particulièrement féroce.
Les firmes multinationales financent les campagnes électorales des présidents américains, contrôlent les bureaucraties d’Etat, imposent leur règle, leur prix, leurs monopoles.
Une règle d’or pour elles : rencontrer les besoins en médicament des demandeurs SOLVABLES et réaliser le profit maximum. Le marché mondial annuel du médicament représente plus de 300 milliards de dollars. 80% de ceux-ci concernent l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon. 16% de la population mondiale consomme 80% des médicaments disponibles…

L’impact de l’accord de l’OMC dans le secteur du médicament est particulièrement désastreux.
Ils accordent aux industries pharmaceutiques des droits de propriété, intellectuelles, leur octroyant ainsi des droits de production quasi exclusive sur des périodes de 20 ans.
Les accords de libre échange dans le secteur de la santé vont tuer.
Ils vont ouvrir les marchés nationaux aux entreprises privées du service de santé, mettre en concurrence les assurances lucratives privées (qui pratiquement la segmentation des marchés et la sélection des risques ) avec les systèmes d’assurance sociale solidaire.

Une autre conséquence sera l’abandon plus prononcé encore des recherches sur les maladies « non solvables » et des programmes non rémunérateurs. Ou est donc passée la santé comme DROIT HUMAIN FONDAMENTAL ET UNIVERSEL ?

6. La fragilisation du système de santé

Pour ce qui est de la R.D.C., il faut ajouter la fragilisation extrême, le quasi dislocation du système de santé.
Les troubles sociopolitiques, les guerres ont créé une situation telle qu’elle a appelé une aide humanitaire de grande envergure.

Celle-ci débarque avec ses moyens considérables, et ne tient pas compte, (par définition en situation extrême) des structures existantes, à fortiori si ces dernières sont affaiblies.

Le problème vient quand l’approche humanitaire se prolonge sur une longue période, interdisant ainsi le retour à une logique de développement durable. On peut dire que l’aide d’urgence est devenue chronique, qu’elle s’est érigée en système, avec tous les effets pervers que cela peut engendrer. Cette logique de l’humanitaire s’est couplée à celle des objectifs du millénaire et a renforcer l’approche sélective de la maladie. Et on a visé en priorité des maladies spectaculaires, ou qui frappent les esprits, tel le VIH-SIDA, et auxquels on s’attaque de façon spécifique, verticale.
On peut constater qu’il y a aujourd’hui au Ministère de la Sant é, 13 Directions Générales et 52 Programmes spécialisés.

Le système de santé, dont la clé de voute était l’organisation intégrée des soins de santé primaires à l’échelle de la zone de santé se voit ainsi progressivement et profondément désarticulé.

On observe par exemple des phénomènes tels que :
des stratégies individuelles, institutionnelles de survie, ou de clientélisme politique qui poussent à la multiplication de structures de formation ou de soins, en tous cas dans certains secteurs, et dont la qualité est souvent douteuse ;
La multiplication de bureaux, sous-bureaux de coordination, points focaux de programmes spécialisés verticaux.

Les hôpitaux et centres de santé, sensés travailler selon un échelonnement pertinent et efficient de la prise en charge, se font de plus en plus concurrence ; le travail en équipe est insuffisant.

On manque cruellement de personnel médical ou infirmier dans certaines zones de santé ou hôpitaux, surtout en milieu rural, mais on en trouve à l’excès pour les programmes sélectifs (certes plus rémunérateurs…) ; Les structures de l’Administration publique se voient débordées par les ONGI qui mettent en place des circuits parallèles d’approvisionnement en médicaments, de soins curatifs, de systèmes d’information sanitaires.
(Certaines ZS ont parfois jusqu’ à 40 rapports mensuels différents à compléter !) A cela, il faut ajouter les problèmes de financement du système.

Le financement est assuré par l’Etat, les bailleurs extérieurs, et la population.
L’ETAT : en 2000, la contribution de l’Etat était inférieure à 2% de son budget total ; ce % est même descendu à 1% en 2002.

Elle est aujourd’hui de 5.2% du budget national qui est d’un peu plus de 6 milliards de dollars en 2010.
Il faut en outre faire observer que le taux de décaissement réel est de +- 52% du budget initial.
Ce désengagement dramatique de l’Etat, consécutif de sa faillite, de l’effondrement de l’économie, et des politiques d’ajustements structurels (PAS) imposées par la Banque Mondiale et le FMI, dès les années 80, a conduit dans une proportion effarante aux pratiques de corruption, taxes et surtaxes innombrables et injustifiées…

On verra en outre les échelons intermédiaires et supérieurs de l’administration de la santé financés par la remontée successive d’une partie des contributions des malades.
L’AIDE EXTERIEURE a pris le relais, mais, on la déjà dit, dans une logique de financement de programmes très sélectifs, conduisant à la marginalisation progressive des SSP.

LA POPULATION, contribue à hauteur de 50% des coûts, mais n’a rien à dire dans l’organisation de la santé.

Le système de santé se caractérise également par de sérieux problèmes de ressources humaines :

En 2000, il manquait cruellement de médecins, on en dénombrait 2000 pour tout le pays (soit 1/30000 hab.) .les infirmiers étaient au nombre de 20000.
Aujourd’hui, les chiffres sont revus à la hausse suite à la création d’un nombre considérable, excessif même, en tous cas irrationnel, de structures d’enseignement et de formation, et ce sans véritable contrôle sur la qualité des étudiants qui en sorte.
Cet accroissement du personnel médical a conduit à la multiplication, surtout dans les zones urbaines (et en particulier à Kinshasa) de formations sanitaires privées de qualité très inégale.
La répartition de ce personnel médical est très inégale, entre milieu rural et urbain, entre provinces. Ainsi, si dans la capitale, on trouverait aujourd’hui 8 médecins/10000 hab., dans certaines provinces, le taux tombe à 0.2/10000.
De plus, on trouve en grande quantité des médecins ayant fait la santé publique, mais il manque cruellement de cliniciens. (Le 3ème cycle de formation clinique n’est organisé que dans 3 universités du pays.
Les conditions difficiles de travail, les niveaux de rémunérations entraînent de grands mouvements de migration interne (vers les agences et ONG internationales ; du milieu rural vers les villes, des structures publiques ou confessionnelles vers le privé …) et de migration externe (vers d’autres pays africains tels le Rwanda, la Tanzanie, l’Afrique du Sud ou vers l’Europe).
Le leadership du Ministère de la Santé est encore faible, tant fédéral que provincial.
Le manque de moyens, de compétences, l’exode des cadres les plus qualifiés ont entrainé une perte considérable de capacité de leadership des autorités publiques sur la politique de santé. Ce sont aujourd’hui les grands bailleurs internationaux qui fixent l’agenda, les priorités, les procédures, et imposent leur philosophie-idéologie, leurs outils de planification, d’évaluation, et d’information et leurs règles.
Le secteur du médicament est particulièrement révélateur des déficiences du système.
C’est à coup sûr un des problèmes majeurs à résoudre à brève échéance. La désorganisation totale du secteur du médicament conduit a des aberrations : on compte 19 agences différentes et 99 circuits de distribution, mis en place par… 52 partenaires. Parmi ceux-ci, plus de 40 utilisent leurs propres agences d’approvisionnement.
La production locale couvre 10% de la distribution totale (entre autres à cause d’une fiscalité asphyxiante). Par ailleurs, une bonne partie de la production locale n’est pas au niveau des BPF (Bonnes Pratiques de Fabrication).

Ici aussi, l’absence de régulateur favorise le développement d’une distribution illégale et anarchique ; on peut y trouver de nombreuses falsifications, des médicaments sans principe actif, certes moins chers, et auxquels ont dès lors recours les plus pauvres, mais sans aucune vertu thérapeutique.
Les problèmes de gestion, de rupture de stocks, de dépassements de date de péremption sont monnaie courante, la pharmacie hospitalière est inexistante dans de très nombreux cas.
On ne trouve sur le marché Congolais que 50% des médicaments essentiels génériques… Ils sont pourtant vitaux pour améliorer l’accès d’un plus grand nombre aux médicaments de qualité.
Ainsi par exemple, il faudra à un Congolais moyen atteint de diabète, pour couvrir le coût de son traitement de un mois, 2 jours de travail pour acquérir un générique ; il lui en faudra 13 pour un non générique.

Enfin, les prestations des services et soins de santé sont dans l’ensemble médiocres. Seuls 8% des HGR disposent d’un plateau technique pour la chirurgie, 6% d’entre eux, pour l’obstétrique. La qualité douteuse des prestations entraîne bien naturellement la baisse de fréquentation et d’utilisation (on estime le nombre de consultations /an/hab. entre 0.15 et 0.3. L’OMS fixe la norme à 1). 2/3 des malades n’ont pas recours au système de santé formel, pour cause de non disponibilité, de mauvaise qualité ou de coût trop élevés.
30% ont donc recours au réseau de santé public ou confessionnel, 40%pratiquent l’automédication, 9% vont chez les guérisseurs traditionnels, 21% ne font rien.

Brève conclusion de la partie I

Tous ces facteurs, déterminants puissants de la mauvaise santé de centaines de millions d’êtres humain, ne sont pas du à la fatalité.

Ils sont clairement les dommages provoqués par les politiques impérialistes menées par les grandes puissances étatiques et privées¸ par les politiques d’accumulation du capital aux mains d’une minorité toujours plus restreinte et de la maximisation des profits.
Pour contrer la baisse tendancielle des taux de profits qu’on observe quand on analyse les cycles longs du capitalisme, il faut trouver des nouveaux marchés, de nouvelle source de profits, de nouvelles marchandises.
Le vivant lui-même est à vendre. Maintenir et accentuer l’accès et le contrôle des ressources naturelles, des minerais stratégiques, leur voies de transferts… justifie toutes les guerres et les sommes colossales qu’investissent les grandes puissances (dont les USA pour près de 50% des dépenses mondiales ) dans leur armées et leur armement.

L’ordre international actuel est injuste, uniquement fondé sur la domination l’oppression et l’exploitation de la nature et des peuples.

Il est établi et maintenu à travers les toutes puissances militaires, la manipulation des consciences, le contrôle de l’information et la désinformation.

Quelques soit la qualité de la médecine, des soins médicaux, du système de santé et leur accessibilité ils ne peuvent a eux seules inverser significativement et durablement les indicateurs de santé si un nouvel ordre économique et politique ne s’instaure pas, permettant un développement véritable et intégral pour tous les peuples.

La question de la santé pour tous n’est pas d’abord ni essentiellement un problème technique, mais une question politique.

II. De alma ata aux O.N.G.

Des expériences venant de la chine et de divers programmes de santé appliquées dans de petites communautés aux Philippines, en Amérique Latine… ont inspiré le concept de soins de santé primaires. L’accent y est mis sur une approche globale.
L’insistance sur la participation communautaire à la prise en charge des politiques de santé s’en dégage.

Années 70, l’esprit de BANDUNG, même s’il commence à s’essouffler, vit encore.
La déclaration d’ALMA ATA en 1978 s’inscrit encore dans ces filiations.
A Alma Ata, en 78, (ex Union soviétique) l’OMS et l’Unicef organisent une conférence internationale sur les soins de santé de base. La déclaration d’Alma Ata, signée à l’époque par 143 représentants de gouvernements du monde entier, reste une référence essentielle.
Elle était fondée sur quelques principes fondamentaux : La santé est un droit de l’homme. Ce qui signifie aussi que les Etats sont responsables de l’effectivité de ce droit.

La santé n’est pas qu’une question technique et d’experts.
Elle est d’abord affaire de communautés d’humains qui doivent être capables de prendre leur santé en main.
La santé est une question de justice sociale. Cela suppose qu’il faille aller au-delà des symptômes pour s’attaquer aussi aux causes fondamentales de maladies, qui ont souvent pour racine l’injustice sociale et économique et des conditions de vie déplorables.
Il n’y aura dès lors de santé pour tous que dans un nouvel ordre économique mondial. Il s’agit aussi de changer le système économique basé sur le profit maximal d’un petit nombre, et dans lequel la santé devient elle aussi marchandise.
Cette déclaration, accueillie avec enthousiasme dans de nombreux pays, surtout dans le Tiers-Monde, continue à constituer la référence prioritaire.
Elle fut pourtant farouchement combattue peu

de temps après son adoption et on verra peu à peu disparaître des débats plusieurs de ses principes fondateurs, à commencer par la référence à un nouvel ordre économique mondial.
La contre offensive néolibérale, lancée dès le début des années 80, a largement contribué à effacer des références devenues politiquement incorrectes à une époque de triomphe du libre marché.
Au même moment, la banque mondiale prend de plus en plus le relais des agences Onusiennes dans la question de la santé. On verra sans tarder qu’elle privilégie toujours une approche « marché privatisé » de la santé. Dès lors, exit la responsabilité des Etats.
De nombreux Etats du sud d’ailleurs (et le Congo sera le premier à en faire les frais) se verront imposer par le FMI, la Banque Mondiale, les fameux plans d’ajustements structurels en contrepartie des prêts qui leurs seront accordés. Ces PAS viseront essentiellement à désengager les Etats de la gestion des services publics, de la santé et de l’éducation.

Exit aussi le droit de l’homme, et bienvenue à la santé comme produit comme un autre, qu’on peut se procurer sur le marché, si on peut payer…
L’initiative de Bamako, lancée en 87, tentera de relancer la stratégie des soins de santé primaires, telle que définie à Alma Ata.
Son premier document officiel affiche comme objectif ultime l’accès universel aux soins de santé.

Actant le retrait progressif des Etats dans le financement de la santé, Bamako tentera de promouvoir des dispositifs de financement en provenance des communautés, mais conçues de telle façon qu’ils permettent un accès au plus grand nombre, y compris les plus pauvres et qu’ils assurent des ressources permanentes et durables pour le fonctionnement des services de santé. En ce sens, elle est très différente de la simple politique de recouvrement des coûts, à charge des malades, prônée par la Banque Mondiale.
On l’interprète souvent pourtant aujourd’hui, à tort, comme une simple opération de recouvrement des coûts. La promotion du modèle « mutuelles de santé » est issu de Bamako. Certains ont tendance à présenter ce modèle comme l’idéal.
Il ne faut pourtant pas oublier le contexte de démission des Etats dans lequel il est né.

On s’est donc peu à peu, mais sûrement, éloigné des principes fondateurs de la déclaration d’Alma Ata. Les Objectifs Du Millénaire se situent dans le prolongement de cette évolution.
La situation sanitaire d’une partie si importante de la population mondiale ne cessant de se dégrader, Il était politiquement impossible de les ignorer.
Il faut reconnaître que les OMD ont eu le mérite de fixer cette fois, des objectifs précis et chiffrés, à atteindre dans un délai annoncé.
Cependant, ce faisant, ils ont mis l’accent exclusif sur des programmes sélectifs et des fonds d’appui à des problèmes spécifiques et ciblés de santé publique.

En matière de santé, voici quels étaient les OMD :
Réduire de 2/3 le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, Améliorer la santé reproductive par la réduction de ¾ du taux de mortalité maternelle, Lutter contre le sida qu’il faut maîtriser avant d’en inverser la tendance.
A noter que ces objectifs sont définis en termes de pourcentage de la population mondiale.
Celle-ci augmentant de façon encore significative, cela signifie que même si on observe pour certains indicateurs une amélioration, le nombre réel d’enfants ou de femmes qui meurent ne diminue pas, voire augmente. Quand on sait de surcroit que la Chine joue à elle seule pour une part significative dans l’amélioration des taux, on aura compris que dans la plupart des pays d’Afrique, la situation se dégrade.

Les OMD, s’attaquent donc à certains symptômes sans étudier les causes.
Ils ne mettront dès lors jamais en lumière les causes des situations, liées à l’inégale distribution des richesses et aux mécanismes d’exploitation qui engendrent la pauvreté.
De la même manière, ils font l’impasse sur les causes fondamentales des mutations de l’environnement et du climat, telles la déforestation, qui a des effets désastreux sur les réserves d’eau potable…, ou la pollution de plus en plus prononcée des eaux souterraines, causée par l’agriculture chimique intensive, ou les exploitations minières industrielles.

III. La santé est une conquete sociale

Notre projet de santé pour tous, véritable et durable s’oppose donc radicalement à la vision marchande et néolibérale encore dominante aujourd’hui.

Notre projet s’appuie sur un internationalisation véritable des droits humains, le respect de la justice économique et sociale, la prise en copte de la question environnementale ,le respect de la richesse des cultures, la démocratie vivante dans toute les sphères de la société comprise non seulement comme droits politiques, droits d’expression , mais tout autant comme droits économiques et sociaux.

Notre projet de santé pour tous rejette la charité et l’aide internationale en tant que source de financement quand celle-ci se fait instrument de recolonisation des économies des pays pauvres, quand, soi disant fondé sur des partenariats « égaux » et sous couvert de partenariats publics privés, elles privilégient l’approche néolibérale et marchande, avec la complicité consciente ou non de multiple ONG internationale ou locales.
Notre projet de santé pour tous s’inscrit dans la perspective pour les états du Sud de retrouver leur souveraineté pleine et entière, et de pouvoir ainsi par eux même, satisfaire les besoins fondamentaux et légitimes de leur peuple.
L’idéologie néolibérale s’épuise.
Elle a montré ses limites et les impasses dans lesquelles elle entraine l’humanité.

Certes elle est encore puissante et n’est pas prête d’abdiquer.
Cependant, peu à peu, les rapports de force se modifient.
Les peuples se réveillent et revendiquent leurs droits.
Les échanges Sud - Sud s’intensifient, les coalitions d’Etat du Sud se font plus nombreuses et plus fortes. Elles obtiennent des succès.
Certes les agendas des uns et des autres ne convergent que partiellement et leur perspectives ne sont pas toutes émancipatrices. L’état des forces en présence se modifie pourtant.
En occident également, les populations, touchées par les dures politiques d’austérité décidées après que les Etats aient du injecter des sommes colossales pour le sauvetage des banques privées, sortent de leur apparente apathie.
De nouvelles perspectives de solidarité entre les peuples du Sud et du Nord pointent lentement. Après trente années d’offensive néolibérale, de repli des mouvements populaires, de défaites sociales, la contre offensive des peuples se prépare et est déjà à l’oeuvre.

Dans le champ de la santé également, il s’agit de réaffirmer nos principes, nos valeurs.
Il est possible de reconstruire de véritables politiques sociales.
Trente années de néolibéralisme ont éclipsé l’esprit d’Alma Ata.
Aujourd’hui, alors qu’il est évident que la stratégie des OMD est un échec, remettons Alma Ata à l’ordre du jour.

1. Pas de bonne santé sans politiques sociales

Nous l’avons dit : il n’y a pas de corrélation entre le niveau des dépenses médicales et le niveau de santé.
Il ne s’agit pas, en affirmant cela, de dénigrer l’importance des soins de santé et de leur qualité.

Mais on indique par là que la santé est d’abord le résultat de conditions de vie, de politiques économiques, sociales qui déterminent l’efficacité des soins de santé.
L’analyse des conditions sanitaires et des indicateurs de santé par continent, par pays montre clairement que les conditions de santé s’améliorent significativement là où les forces sociales de progrès sont fortes et/ou dominantes, et où en conséquence les politiques assurent une redistribution plus égalitaire et affectent les ressources disponibles à de véritables politiques sociales qui visent le bien être de tous.
De nombreux exemples démontrent cela :

- L’espérance de vie en ex-Urss était de 72 ans au moment de l’effondrement du régime soviétique.
Elle a chuté à 59 ans en une dizaine d’année.
- Si on compare les performances de Cuba en matière de santé avec celle des pays d’Amérique Latine, pourtant doté d’un PIB supérieur, mais dirigés par des gouvernements élitistes et a la botte du capitalisme, on constate des différences significatives.

En 85, à Cuba l’espérance de vie était de 74 ans (la plus élevée du sous- continent et équivalente a de nombreux pays de l’hémisphère Nord).
Elle était de 63 ans au Brésil, 64 au Salvador, 59 au Mexique, 58 au Nicaragua….
La mortalité infantile a Cuba y était de 15°/°° , contre 71 °/°° au Brésil 70°/°° au Salvador, 107 à Haïti, 82 au Mexique, 84 au Nicaragua.

- Il en va de même au Venezuela où les choses s’améliorent significativement depuis le début du gouvernement CHAVEZ :
La mortalité infantile est en baisse, la dengue a pratiquent disparu, le traitement du Sida est gratuit.
La part du social dans le PIB a nettement augmenté.

- Même constat si on regarde l’évolution des indicateurs entre la Chine et l’Inde. En 1950 en Chine, l’espérance de vie était inférieure à ce quelle était en Inde (34 ans contre 41 ans) En 1987, elle est passée en chine à 69,5 ans contre 57,9 ans en Inde.
- Pour les pays développés capitalistes aussi, on observe de sérieuses différences.
La où un rapport de force plus ou moins favorable aux classes populaires, sous l’action des organisations ouvrières (syndicat, mutualités… partis de gauche), a pu imposé des politiques de redistribution des revenus et des systèmes de sécurité sociale généralisée, la situation est meilleure.

Exemple à contrario : les Etats Unis où les forces progressistes n’ont pas pu établir un rapport de force favorables.
Prêt de 50 millions d’américains ne bénéficient d’aucune couverture santé.
Et ce sont évidemment surtout les noirs, les hispaniques, les pauvres.
Au contraire, les pays du Nord de l’Europe (Norvège, Suède, Danemark) dans lesquels le social démocratie à gouverné seule pendant une vingtaine d’année peuvent se prévaloir de la bonne santé générale de leur population.

Il en va de même dans les pays européens ou le mouvement ouvrier a réussi, après la 2ème guerre mondiale, a imposé a travers un pacte social, un système de sécurité sociale comportant entre autre une assurance maladie obligatoire.

Les systèmes fondés sur des cotisations sociales proportionnelles aux revenus, et gérés conjointement par les travailleurs, les employeurs et l’Etat ont dans l’ensemble beaucoup mieux résisté aux périodes de crises économiques et de récessions que les pays où le financement de la santé était assuré par l’Etat, via les impôts.

Ces pays, particulièrement quand ils étaient dirigés par des gouvernements de droite, ont drastiquement réduit le financement public de la santé.
On y a vu apparaitre une médecine à deux vitesses : une médecine privée et de qualité pour les riches, une médecine publique mais de qualité médiocre pour les petits revenus des classes populaires.

2. Pas de gouvernement « sociaux », pas de politique sociale sans luttes sociales.

Les droits humains ne sont pas donnés, ils se conquièrent.
Ceux dont certain d’entre nous bénéficient aujourd’hui ne sont pas tombés du ciel.
Ils ont été conquis par de longues et âpres lutes sociales et politiques.

Droit de vote, école obligatoire, congés payés, assurance maladie, pensions… autant de droits conquis par les mouvements sociaux.

Mais pour être efficace, pour être capable de transformer l’expérience, l’action pratique en force politique, les mouvements sociaux doivent être portés par les organisations puissantes, structurées, capable de mobiliser les moyens, de mobiliser militants, de faire émerger des dirigeants à la hauteur des défis…

C’est une constante incontournable de l’histoire du progrès social :
pas de progrès social sans luttes sociales ; pas de luttes sociales efficaces sans organisations sociales puissantes.

Le secteur de la santé ne fait pas exception à cette règle.
La participation populaire, la voix de la population, indispensable dans la réalité d’un système de santé, ne peut être effective que par la médiation d’organisations fortes et représentatives.
De quel pouvoir réel de négociation peuvent en effet disposer des personnes seules, isolées, de surcroit fragilisées par la maladie, face aux médecins, aux prestataires, aux structures de santé ?

Les populations, particulièrement les classes populaires, si elles veulent peser dans les politiques de santé, doivent se donner les mouvements et organisations adéquates. Il en existe de multiples.
Les mutuelles de santé en sont un exemple.
Avant d’être un outil technique de financement de la santé, elles sont l’outil social et politique des communautés qui décident de se prendre en charge et d’avoir leur mot a dire dans les politiques tarifaires, l’organisation des soins, leur qualité…
Elles sont un vecteur puissant de démocratie car elles peuvent donner réalité et efficacité à la voix de la population.

IV. Les mutuelles de santé, pour rendre effectif le droit à la santé pour tous

A. Quelques concepts et valeurs fondamentales.

1. Gratuité des soins : Bien poser le débat.

Certaines ONG internationales prônent la gratuité des soins médicaux, en tous cas pour les indigents et les pauvres.
Leur approche pose plusieurs problèmes :
Nous l’avons déjà évoqué, les politiques d’ajustement structurels imposés par la BM dès les années 80 ont eu des conséquences sociales terribles : destruction es systèmes de santé , augmentation de la malnutrition, des épidémies, de la mortalité infantile et maternelle…
Devant les risques d’instabilité politique, sociale, la monté des émeutes de la faim… et l’ampleur des dégâts sociaux trop visible et trop scandaleux des questions se posent. On commence a admettre que le marché ne peut pas tout, surtout dans les pays en développement. Les puissances occidentales et les grandes institutions internationales vont infléchir et corriger leur discours.
La nouvelle tendance sera à la fois en rupture et en continuité avec le consensus de Washington.
Les nouvelles approches proposent la réintroduction de l’Etat dans le jeu économique et social mais de façon très limitée, circonscrite aux domaine qui ne prend pas en charge le marché ( par exemple les infrastructures, la santé des pauvres, l’éducation ) et /ou des publics qui n’intéressent pas le marché : les pauvres, non solvables.
On verra ainsi apparaître les DSRP ? les plans visent a réduire la pauvreté, imposé par la BM et le FMI (notamment en contre partie de réduction partielle des dettes) !
Continuité cependant, car si l’Etat est tenu à nouveau de mener des politiques sociales envers les plus pauvres, les autres sont renvoyés au marché.

On se méfie d’ailleurs toujours autant de l’Etat et on se garde bien de le reconstruire dans son pouvoir et la plénitude de ses fonctions.
La « société civile » est remise en avant, l’ « ongéisation » des politiques autrefois de dévolues à l’Etat est promue.
De nombreuses ONG internationales et locales jouent le jeu , inconsciemment ou non, et participent ainsi à la marche inexorable du marché contre l’Etat dans les pays en développement.
Cette approche est d’autant plus pernicieuse et dangereuse qu’elle ne peut absolument pas conduire à de réelle politiques sociales durables et encore moins égalitaires.
Nombreux sont les exemples qui indiquent que quand les classes plus aisées, ou disposant simplement de revenus leur permettant de sortir de la survie, sont exclus des bénéfices des politiques sociales, elles en arrivent vite aussi a refuser de contribuer à leur financement.
Les multiples ONG qui prolifèrent et vivent (s’enrichissant parfois façon éhontée) du « marché de la pauvreté, de la misère, de l’urgence humanitaire ».
Non seulement on empêche l’émergence de véritables systèmes redistributeurs, de politiques de développement, mais de plus, en encadrant les pauvres tout en les maintenant dans une situation durable de dépendance, assurent la « paix sociale » , anesthésient le peuple et bloquent l’émergence d’une réelle conscience critique.
C’est aussi via les politiques de gratuité, a une nouvelle recolonisation des économies des pays en développement qu’on assiste.
C’est manifeste par exemple à travers la politique de distribution des médicaments, produits et achetés aux firmes pharmaceutiques occidentales.
Ils ne correspondent pas toujours aux véritables besoins ni aux habitudes culturelles.
De plus, cette politique casse la production locale ou en freine l’émergence et le développement.
Certaines ONG internationales, telles MSF, IRC…qui prônent la gratuité des soins s’opposent souvent aux mutuelles de santé qu’elles assimilent à tort à une politique de recouvrement des coûts.
Cette critique n’est pas fondée.
Les Mutuelles de Santé sont en réalité une des meilleures voies pour assurer durablement et pour tous un accès quasiment gratuit aux soins (et la gratuité pour les plus vulnérables).

Nous partageons la critique sur la politique de recouvrement des coûts où l’usager paie en fonction de ce qu’il consomme.
Dans un tel système, ce sont uniquement les malades qui paient la facture, et parmi eux, les pauvres, les vieux, les enfants plus que les adultes.
Un tel système entraîne inévitablement une commercialisation de la santé.
Ceux qui pourront payer seront correctement pris en charge, les autres risquent fort d’être laissés pour compte.

2. La santé a un coût.

Pourtant, si la santé est un droit humain, si, comme on dit, elle n’a pas de prix, elle a pourtant un coût.
Et celui-ci est très inégalement réparti. Il faut la financer.
Faisons quelques observations :
- Investir dans la santé coûte finalement moins cher à la collectivité que les conséquences économiques et sociales d’une mauvaise santé.
- Quand l’accès financier aux soins est aisé, les malades se soignent à temps et évitent ainsi des complications nuisibles pour la santé mais aussi plus coûteuses.
- Le financement de la santé par la généralisation des mutuelles de santé rend la demande solvable.
Cela permet aussi de relever la qualité des prestations, de consolider les rémunérations des professionnels de la santé, d’investir dans la prévention.

3. Un financement endogène.

Les pays en développement sont aujourd’hui largement dépendants de l’ »aide » internationale.
Aide souvent liée ; aide financée par les contribuables des Etats occidentaux qui, par ailleurs, ne font pratiquement rien ou se font carrément complices (voir la politique agricole commune) pour empêcher le pillage des ressources, les échanges inégaux, la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux…

La duplicité de certaines puissances occidentales est sans limites. Au nom des droits de l’homme, elles prônent le droit et le devoir d’ingérence.

Elles devraient se souvenir que leur niveau de développement actuel s’est construit sur une accumulation du capital réalisée sur l’exploitation de la paysannerie européenne transformée en prolétariat, et sur la surexploitation des colonies, que les droits politiques ont été conquis au prix de luttes souvent sanglantes. Elles doivent aussi et surtout se rappeler que la déclaration des Droits de l’Homme consacre aussi les droits économiques et sociaux et que ceux-ci ne sont pas une l »lettre au Père Noël » (comme les qualifiait J. Kirpatrik, ex ambassadeur de Reagan aux Nations Unies…) On se demande aussi pourquoi les pays occidentaux n’ont pas profité des longues périodes durant lesquelles elles dominaient leurs colonies pour y faire régner les droits de l’homme…

A ce nouveau concept de droit d’ingérence, nouveau cheval de Troie des occidentaux ( on a vu comment la France qui s’est précipitée en Libye pour y renverser un « dictateur fou » et y établir la démocratie, s’est empressée, avant même la fin des combats de négocier de nouveaux contrats pétroliers plus avantageux pour elle) il faut opposer le Droit International et la reconnaissance de la Souveraineté Nationale.

C’est cette dernière que les peuples du Sud doivent reconquérir, dans tous les domaines.
C’est vrai aussi dans le secteur de la santé trop dépendant de l’aide internationale… Le financement de la santé, par l’extension et la généralisation des mutuelles de santé consiste en un réel effort d’une population et d’un pays pour retrouver sa souveraineté sur cette dimension si importante de la vie sociale et économique. Les mutuelles de santé sont les prémices d’un financement endogène généralisé de la santé.

4. La valeur cardinale de solidarité.

La mutualisation des coûts de la santé sur le plus grand nombre, et idéalement sur tous ceux qui ont un revenu, a fortiori quand elle est l’émanation de l’initiative populaire, est fondée sur la logique de solidarité multidimensionnelle :
solidarité des jeunes avec les vieux, des actifs avec les non-actifs, des biens portants avec les malades, les valides avec les handicapés. La santé est une question universelle. Elle transcende les différences ethniques, religieuses ou philosophiques. La maladie fait partie de la condition humaine.

La solidarité maximale, c’est quand tous contribuent proportionnellement à leurs revenus mais reçoivent des soins d’égale qualité selon leur état de santé.

5. La prévoyance.

La plupart des humains – et c’est heureux- vivent une bonne partie de leur vie en bonne santé relative. C’est le cas quand les besoins humains de base sont satisfaits.

Pourtant, l’accident, la maladie guettent à tous moment. Nul ne peut affirmer qu’il est à l’abri.
Et quand l’accident ou la maladie surviennent, les coûts générés par les soins peuvent être conséquents et mettre à mal toute l’économie d’un ménage et le faire basculer dans la pauvreté. Peu nombreux sont ceux qui disposent de revenus suffisants pour faire face aux gros risques de santé.

La mutuelle de santé organise la prévoyance collective.
Certes, les années où les adhérents ne sont pas malades, leur cotisation sert à rembourser les soins des malades (principe de solidarité).
Ce sera l’inverse quand leur tour viendra d’avoir besoin de soins parfois coûteux.

En payant une cotisation modeste chaque année, c’est en quelque sorte une épargne individuelle et collective que la mutuelle de santé organise, en prévision des temps difficiles.

6. La responsabilité et la démocratie.

Les mutuelles de santé sont gérées par des organes issus d’élections organisées par et au sein de l’Assemblé générale des membres.
Elles sont ainsi des écoles de démocratie.
Les adhérents, rassemblés en assemblée générale, décident des orientations stratégiques (taux de cotisation, prestations couvertes ; conventions, élection des conseils de gestion, approbation des comptes…
Les organes de gestion sont tenus de rendre compte de leur gestion, de présenter le bilan social et financier pour approbation et d’obtenir décharge pour leur gestion.

B. Quelques principes-clés de fonctionnement.

1. Initiative populaire, loi du nombre et force de l’organisation.

Les politiques de santé sont d’autant plus efficaces que les communautés en font leur affaire et s’y impliquent.

La participation communautaire ne se décrète pas. Si on la veut véritable, concrète et capable d’influer réellement sur les choix et stratégies de santé, elle doit être l’expression de la volonté populaire.

Un système mutuelliste imposé trop vite par l’Etat ne peut être approprié par la population qui n’y verra qu’un service d’Etat de plus et n’en fera pas son affaire.
L’efficacité des mutuelles de santé repose pour beaucoup sur la masse des affilés, qui doivent être aussi nombreux que possible.
Il est des seuils en deça desquels lancer une mutuelle de santé est une entreprise suicidaire.

C’est non seulement crucial pour que la force de revendication, de proposition, soit réelle. C’est aussi indispensable pour la viabilité financière de la mutuelle.
Seule une masse significative de cotisants pourra faire face aux dépenses de santé et couvrir celles-ci de façon substantielle.
Impossible aussi d’envisager de couvrir les frais de fonctionnement de façon autonome sans un grand nombre d’adhérents si on veut que la part de cotisation affectée à ces coûts de structure restent dans une proportion raisonnable et ne fassent pas augmenter de façon excessive et injustifiée la cotisation.

La masse ne suffit pas.
Il y faut également la structuration, l’organisation.
Les mutuelles de santé ne peuvent restées isolées les unes des autres.
Leur articulation est nécessaire pout transformer en force politique suffisante l’expérience du terrain. La structuration en Fédérations régionales, provinciales et ensuite en Unions Nationales est aussi utile et nécessaire pour permettre des économies d’échelle, prendre en compte certains besoins spécifiques, assumer des fonctions de supervision et de contrôle, d’études et de recherche… qu’une mutuelle isolée ne pourra assumer par manque de moyens humains et financiers.

2. La cotisation.

Celles-ci constituent l’essentiel et la base des ressources des mutuelles de santé.Pour couvrir les dépenses de soins des malades, il faut non seulement un grand nombre d’adhérents, il faut aussi que parmi les cotisants une majorité n’ait pas besoin de recourir à sa mutuelle pour un remboursement.
La mutuelle de santé ne peut survivre si elle ne rassemble que des indigents et des malades…

Il faut donc réfléchir aux règles et modalités de perception des cotisations.
De nombreuses options sont possibles : adhésion des ménages avec obligation d’inscrire et de payer pour chaque membre du ménage, cotisation familiale, cotisation différente pour les enfants, cotisation différenciée par niveau de revenus…
La logique la plus solidaire est bien sûr la cotisation par ménage, non pas liée au nombre d’enfants, mais proportionnelle à la capacité contributive de ceux-ci. Encore faut-il que cela soit faisable et ne produisent pas des effets pervers ou des coûts induits trop conséquents.

3. La couverture des soins.

Ceux-ci doivent être identiques pour tous les membres, même dans l’hypothèse où le tauxde cotisation prend en compte la capacité contributive.

On connaît les soins qui grèvent le plus les budgets des ménages : les médicaments et les gros risques ( hospitalisation, accouchements, maladies chroniques.)

La logique d’efficacité et de solidarité suppose que ce sont d’abord ces coûts là ( au moins une partie de ceux-ci) qui doivent être couverts par la mutuelle.

Pourtant, la couverture au moins partielle des petits risques a aussi son importance et sa pertinence. D’une part, elle permet de consolider la rationalité des trajets de soins, des systèmes de référence/contre référence. Ceux-ci renforcent l’efficience des systèmes de santé.
Ainsi , de nombreuses mutuelles de santé exigent le passage au centre de santé avant de couvrir les frais d’une hospitalisation.

Cette couverture petits risques permet aussi une meilleure fidélisation des affiliés de la mutuelle, tout simplement parce que grâce à cette couverture ( qui coûte par ailleurs beaucoup moins) un plus grand nombre de membres auront un certain « retour » de leur mutuelle et en comprendront mieux l’intérêt.
Rappelons qu’en RDC, on estime à quelque 4% la population se rendant à l’hôpital sur une année.
Dans la population mutuelliste, ce taux avoisine les 16 %.
C’est quatre fois mieux. Il n’empêche qu’en cas de couverture des seuls gros risques, c’est près de 85% de la population mutuelliste qui aura payer sa cotisation sans en retirer un quelconque bénéfice direct.

Le pourcentage de ceux qui doivent recourir aux soins ambulatoires est bien plus élevée.

4. L’équilibre financier et la viabilité économique durable.

Il n’y a pas de miracle, l’argent ne tombe pas du ciel ! Les responsables et gestionnaires de mutuelles de santé doivent faire preuve de gestion rigoureuse et anticiper l’évolution des dépenses.

Ainsi, il est indispensable de démarrer sur des bases solides.
Une étude de faisabilité s’impose, car il faudra préciser le rayon d’action de la mutuelle, connaître les principales pathologies auxquelles elle sera confrontée, leur fréquence, les tarifs des prestations… sans omettre d’anticiper sur les effets de la mutualisation sur la fréquentation (pour rappel près de 4 fois plus), la capacité contributive du plus grand nombre de ménages…

On ne peut pas dépenser plus que ce qu’on a.
Une fois le niveau de cotisation déterminé ( et celui-ci doit tenir compte de l’impératif de cotisants en grand nombre), et les informations sanitaires maîtrisées, la mutuelle peut alors décider ce qu’elle va couvrir et à quelle hauteur.

Les besoins sont nombreux mais il est impossible de les satisfaire tous , surtout dans les premières années de vie de la mutuelle.

La mutuelle doit encore prévoir et anticiper d’éventuelles hausses de tarifs, la prise en charge de nouvelles pathologies, les éventuelles épidémies qui peuvent avoir un effet brutal négatif sur les avoirs de la mutuelle.
Le taux de cotisation doit être calculer en intégrant la nécessité un fond de réserve qui pourra servir en cas de situations difficiles et surtout imprévisibles.

Un autre dispositif de gestion utile, c’est la constitution d’un fond de solidarité mutuelliste, dans lequel sera versé un pourcentage des cotisations annuelles et dont les règles d’utilisation seront fixées de commun accord par les mutuelles concernées.
Ce fond doit permettre à une mutuelle ayant, pour une raison ou l’autre, épuiser ses ressources avant la fin de l’année, de continuer à honorer ses engagements vis-à vis des membres et des prestataires.
A charge pour elle de prendre les mesures adéquates pour redresser la situation dans les meilleurs délais.

5. La sécurité tarifaire

De ce qui précède, on comprendra aisément l’absolue nécessité de sécurité tarifaire. Inutile de se lancer dans une expérience mutuelliste sans celle-ci.Elle peut s’obtenir de diverses manières.
La première, simple, consiste à plafonner en termes réels le remboursement des soins par la mutuelle.
Tout ce qui excède ce plafond restant à charge des patients malades.

Si elle est aisée à mettre en oeuvre, cette technique est insatisfaisante et présente des désavantages et des risques d’effets pervers.

Le risque est grand en effet que le coût des prestations n’augmentent et que au bout du compte, la facture du patient ne reste pratiquement aussi élevée qu’avant l’existence de la mutuelle.
La population ne verra plus l’intérêt de s’affilier et cessera de faire confiance à sa mutuelle.
La sécurité tarifaire que doit chercher et obtenir la mutuelle, ce n’est pas d’abord pour elle, c’est aussi pour ses membres pris individuellement.

Pour y parvenir, il faut des conventions passées avec les structures sanitaires. Ces conventions porteront sur de nombreux aspects de droits et obligations réciproques (qualité des soins, procédures…), mais veilleront particulièrement à préciser les coûts des prestations et leur ventilation entre mutuelle et part du patient.
Il n’est pas rare de voir des structures sanitaires respecter les tarifs pou r la partie prise en charge par la mutuelle, mais gonfler abusivement celle restant à charge des malades.
Et trop de mutuelles ne se saisissent pas de la question.
Elles ont pourtant un rôle fondamental de défense des membres à assurer.

Ces négociations avec les hôpitaux sont parfois difficiles et souvent coûteuses en temps. Il est important pour les mutuelles de santé de se battre pour imposer une logique de tarification forfaitaire généralisée, validée et contrôlée par l’autorité publique.Certes, les tarifs ne doivent pas être homogènes, peuvent varier selon les zones de santé et leur niveau socio-économique, mais il faut en défendre l’application, au moins dans les hôpitaux et centre de santé de l’Etat et du »privé » intégré.

6. Des normes de qualité de la prise en charge.

Accessibilité financière et tarification forfaitaire certes, mais pas à n’importe quel, prix.
Dans une médecine à l’acte, l’inflation non justifiée des prestations est monnaie courante, puisque chaque acte est rémunérateur.
Dans la médecine au forfait, le risque est inverse : une limitation excessive des actes posés, une sous prescription de médicaments ou d’actes techniques.
Il est donc nécessaire de garantir contre ce risque.
Il faut nécessairement accompagner cette politique tarifaire par des normes de qualité de soins qui précisent les bonnes pratiques de prise en charge, les actes à poser, les spécifications des médicaments à prescrire…

7. Conscientiser et contrôler

Le bon fonctionnement d’un système mutuelliste suppose que l’ensemble des acteurs en comprenne la philosophie, les valeurs et l’intérêt collectif.
Un travail permanent de conscientisation des membres, des prestataires, des agents… est indispensable.
C’est un facteur important de succès.
C’est particulièrement vrai dans le chef des prestataires qui peuvent devenir d’excellents promoteurs de la mutuelle de santé, ou au contraire, en devenir les fossoyeurs en pratiquant la surfacturation.
La conscientisation n’exclut pas le contrôle.
Celui-ci est hélas nécessaire.

Des adhérents peuvent frauder, en ne déclarant pas tous les membres du ménage, en n’affiliant que les malades « prévisibles », en faisant passer pour affilié une personne qui n’a pas payer sa cotisation mais tentera néanmoins de bénéficier du remboursement.
Ce faisant, ces personnes indélicates font peser sur les épaules des affiliés solidaires un poids qui ne leur revient pas.
Ne pas détecter et réagir à ces fraudes, sui seront connues un jour ou l’autre, peut avoir un effet démobilisateur grave sur tous les affiliés de bonne foi.

Les prestataires aussi peuvent être tentés par la fraude, en considérant la mutuelle comme une nouvelle « vache à lait ». Les agents de la mutuelle eux-mêmes fraudent la mutuelle de santé, seuls, ou en complicité avec certains prestataires indélicats.

Toutes ces fraudes peuvent mettre gravement à mal l’équilibre financier de la mutuelle et la mettre en faillite, réduisant à néant des années d’effort. Il faut du temps pour gagner la confiance ; on peut la saper en quelques semaines.
Il est donc impératif de prévoir et mettre en place des dispositifs de supervision et de contrôle à tous les niveaux.
Les procédures doivent être claires, transparentes et correctement appliquées. Il faut vérifier l’ »assurabilité » du membre qui sollicite le remboursement de soins.
Il faut superviser, contrôler – et c’est le rôle du médecin-conseil- la qualité des prestations, leur effectivité, leur pertinence, le respect des tarifs convenus… Le travail des cadres et animateurs mutuellistes doit aussi être contrôlé. Les flux financiers sont conséquents et il est nécessaire de les sécuriser.

Les soins sont remboursés avec les cotisations de membres qui pour la plupart, disposent de faibles revenus et font confiance à la mutuelle pour que celle-ci gère les fonds de la communauté avec rigueur et pertinence.
Il s’agit de l’argent du peuple.
La mutuelle a le devoir de le gérer correctement, et de sanctionner celles et ceux qui abusent.

8. La question des tickets modérateurs.

Est-il pertinent, dans les pays ou la consommations des soins est inférieur aux normes définies par l’OMS (elles mêmes bien modestes encore) d’instaurer un ticket modérateur sur les soins, c'est-à-dire laisser une partie du coût à la charge des patients ?
La question est pertinente.
Le TM n’est-il pas un frein de plus à l’accessibilité aux soins ? Pourtant, plusieurs raisons peuvent plaider pour leur instauration.
Tout d’abord, de notre expérience au Sud-Kivu, nous ne pouvons conclure qu’il constitue un véritable obstacle. En 15 ans de réalité, on n’a connu aucun cas de non paiement du TM, encore moins d’évasion de l’hôpital.
Ensuite, si la consommation moyenne de soins par habitant en TDC est faible, cette moyenne cache néanmoins de sérieuses différences. Et les cas de consommation non pertinentes, voire abusives, existent…bien entendu essentiellement quand la prise en charge est totale.
Le Tm a encore cette vertu qu’il conscientise la population aux coûts de la santé .
Il eut aussi rassurer les membres mutuellistes en bonne santé sur l’utilisation justifiée et pertinente des fonds de la mutuelle.
Enfin, et c’est aussi un argument qui compte, le TM permet de maintenir la cotisation à un niveau moindre.
Rappelons le, le premier critère de réussite d’un projet de mutuelle, c’est sa capacité à faire adhérer le plus grand nombre de membres possible, et parmi ceux-ci, une majorité de personnes en bonne santé.
Pour ce faire, la cotisation doit rester raisonnable et supportable.

9. La question des indigents.

Les indigents sont nombreux et incapables de payer la cotisation.
C’est un argument utilisé par certaines personnes ou ONG pour justifier leur politique de gratuité de soins et s’opposer aux mutuelles de santé.

Il est indéniable qu’au stade actuel de leur développement, caractérisé par un nombre encore trop faible d’affiliés disposant de capacité contributive faible, les mutuelles de santé sont incapables de prendre en charge un nombre important d’indigents.
Il faut cependant relever et saluer les initiatives de certaines mutuelles où les membres décident de relever quelques peu leur participation afin de pouvoir prendre en charge quelques indigents.

Ceux-ci doivent être pris en charge par d’autres dispositifs tels les fonds d’équité.

Il est cependant possible de mettre en oeuvre des solutions qui rencontrent le problème tout en consolidant la mutuelle de santé là où elle existe. Près de longues discussions, nous sommes parvenus au Sud-Kivu à un accord positif avec les bailleurs de fonds d’équité.
Là où une mutuelle existe, le fond d’équité prend en charge la cotisation des indigents ainsi que les TM en cas de soins médicaux.
Cette intégration se réalise moyennant le respect de certains principes directeurs :
la participation du fond d’équité au fonctionnement de la mutuelle, à la constitution de son fond de réserve, garantie de l’affiliation pour minimum 3ans, et surtout, limitation du nombre d’indigents ainsi affiliés à maximum 25 % du nombre total des affiliés.
Ceci, afin de ne pas mettre à mal la philosophie de base de la mutuelle et ne pas déstabiliser son action dans la communauté.
Cela nécessite bien sûr une procédure claire, transparente, et incontestable pour le choix des indigents ainsi affilés.

10. Gérer la complexité.

Le système mutuelliste présente une certaine complexité qu’il ne faut pas négliger, comme toute politique sociale qui poursuit des objectifs de justice sociale et d’égalité.

La mutuelle doit disposer de dirigeants, cadres et animateurs aux compétences techniques éprouvées et aux qualités morales indéniables, mais aussi, qui adhèrent aux valeurs et aux perspectives de la mutuelle.
Il est indispensable de recruter les agents qui travailleront pour la mutuelle sur base d’exigences élevées.
Il s’agira ensuite d’assurer une formation permanente de qualité.

Une bonne articulation entre professionnalisme et gestion démocratique est et restera un enjeu crucial.

11. Adhésion facultative ou obligatoire ?

L’avenir des mutuelles repose sur leur capacité à se généraliser et à assurer la couverture universelle de la population.

Certains sont partisans d’une adhésion obligatoire rapide. Pour notre part, dans le contexte du Congo en particulier, nous pensons qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne.
Nous partageons évidemment l’objectif d’assurance obligatoire et de couverture universelle.
Cependant, nous pensons que le temps n’est pas pour la mettre en oeuvre.

Outre le fait que cette option mettrait à mal l’esprit d’initiative populaire et d’organisation sociale qui sont pour nous le socle du système, nous estimons que les conditions ne sont pas réunies.
L’offre de santé est encore faible, inexistante pratiquement dans certains coins reculés.
Envisager dans ces conditions une adhésion obligatoire, c’est à coup sûr risquer de grandes réticences, voire le rejet de la population qui n’y verra qu’un impôt injuste et non justifié.
De plus, il faudrait disposer de nombreux cadres compétents que nous n’avons pas encore.
Les former en nombre demande du temps et des moyens financiers conséquents…Il faut donc privilégier pour un temps encore les mutuelles d’initiative populaire sur base facultative.

Cela ne signifie pas absence de rôle pour l’Etat dans le processus.
Celui-ci peut et doit soutenir l’expansion mutuelliste, par des dispositifs législatifs, l’agréation des mutuelles répondant aux normes, des subventions au fonctionnement, une bonne régulation de l’offre, du contrôle des tarifs, Les mutuelles de santé, c’est d’abord l’affaire des communautés.
Elles ont cependant peu de chances de s’étendre et de se généraliser sans le soutien actif des autorités publiques et de l’ETAT.

Conclusions.

Les objectifs du millénaire ne seront pas atteints .Les quelques résultats positifs qu’on peut afficher sont essentiellement dus aux bonnes performances de quelques pays comme la Chine et l’Inde. Pire, depuis 2009, le seuil du milliard d’humains qui souffrent de la malnutrition a été franchi ! Si nous voulons rendre effectif le droit à la santé pour tous, il faut changer radicalement de cap. Cet objectif de santé pour tous doit faite partie d’un combat global pour un nouvel ordre économique et social mondial. Celui-ci suppose que les politiques économiques, sociales, culturelles gèrent les biens communs de l’humanité dans le sens de l’égalité du bien-être de tous et durablement. Le combat pour la santé s’inscrit dans cette perspective. Il est temps de remettre à l’ordre du jour l’agenda de Alma Ata, de mettre en oeuvre une vision endogène, intégrale et égalitaire de la santé des populations du monde. Par conséquent, il est impératif de rompre radicalement avec une logique marchande de la santé. Les peuples et les gouvernements doivent redevenir les principaux acteurs de la santé. Les peuples doivent se forger les outils de leur propre émancipation et se doter d’organisations puissantes susceptibles de modifier profondément les rapports de force. Les organisations populaires de la santé, qui partagent la même vision et les mêmes objectifs ont le devoir d’articuler leurs actions, et de se rassembler dans un mouvement global qui dépasse les nations. Les mutuelles de santé d’initiative populaire, malgré leurs limites et leurs ambiguïtés, sont une option pertinente dans certains contextes. Elles doivent aussi s’inscrire dans le grand mouvement populaire international de la santé. Luc DUSOULIER. Bukavu, octobre 2011.

Top