A. Quelques concepts et valeurs fondamentales.
1. Gratuité des soins : Bien poser le débat.
Certaines ONG internationales prônent la gratuité des soins médicaux, en tous cas pour les
indigents et les pauvres.
Leur approche pose plusieurs problèmes :
Nous l’avons déjà évoqué, les politiques d’ajustement structurels imposés par la BM dès les
années 80 ont eu des conséquences sociales terribles : destruction es systèmes de santé ,
augmentation de la malnutrition, des épidémies, de la mortalité infantile et maternelle…
Devant les risques d’instabilité politique, sociale, la monté des émeutes de la faim… et
l’ampleur des dégâts sociaux trop visible et trop scandaleux des questions se posent. On
commence a admettre que le marché ne peut pas tout, surtout dans les pays en
développement. Les puissances occidentales et les grandes institutions internationales vont
infléchir et corriger leur discours.
La nouvelle tendance sera à la fois en rupture et en continuité avec le consensus de
Washington.
Les nouvelles approches proposent la réintroduction de l’Etat dans le jeu économique et social mais de façon très limitée, circonscrite aux domaine qui ne prend pas en charge le marché ( par exemple les infrastructures, la santé des pauvres, l’éducation ) et /ou des publics qui n’intéressent pas le marché : les pauvres, non solvables.
On verra ainsi apparaître les DSRP ? les plans visent a réduire la pauvreté, imposé par la BM
et le FMI (notamment en contre partie de réduction partielle des dettes) !
Continuité cependant, car si l’Etat est tenu à nouveau de mener des politiques sociales
envers les plus pauvres, les autres sont renvoyés au marché.
On se méfie d’ailleurs toujours autant de l’Etat et on se garde bien de le reconstruire dans
son pouvoir et la plénitude de ses fonctions.
La « société civile » est remise en avant, l’ « ongéisation » des politiques autrefois de
dévolues à l’Etat est promue.
De nombreuses ONG internationales et locales jouent le jeu , inconsciemment ou non, et
participent ainsi à la marche inexorable du marché contre l’Etat dans les pays en
développement.
Cette approche est d’autant plus pernicieuse et dangereuse qu’elle ne peut absolument pas
conduire à de réelle politiques sociales durables et encore moins égalitaires.
Nombreux sont les exemples qui indiquent que quand les classes plus aisées, ou disposant
simplement de revenus leur permettant de sortir de la survie, sont exclus des bénéfices des
politiques sociales, elles en arrivent vite aussi a refuser de contribuer à leur financement.
Les multiples ONG qui prolifèrent et vivent (s’enrichissant parfois façon éhontée) du
« marché de la pauvreté, de la misère, de l’urgence humanitaire ».
Non seulement on empêche l’émergence de véritables systèmes redistributeurs, de politiques de développement, mais de plus, en encadrant les pauvres tout en les maintenant dans une situation durable de dépendance, assurent la « paix sociale » , anesthésient le peuple et bloquent l’émergence d’une réelle conscience critique.
C’est aussi via les politiques de gratuité, a une nouvelle recolonisation des économies des pays en développement qu’on assiste.
C’est manifeste par exemple à travers la politique de distribution des médicaments, produits
et achetés aux firmes pharmaceutiques occidentales.
Ils ne correspondent pas toujours aux
véritables besoins ni aux habitudes culturelles.
De plus, cette politique casse la production locale ou en freine l’émergence et le développement.
Certaines ONG internationales, telles MSF, IRC…qui prônent la gratuité des soins s’opposent souvent aux mutuelles de santé qu’elles assimilent à tort à une politique de recouvrement des coûts.
Cette critique n’est pas fondée.
Les Mutuelles de Santé sont en réalité une des meilleures voies pour assurer durablement et
pour tous un accès quasiment gratuit aux soins (et la gratuité pour les plus vulnérables).
Nous partageons la critique sur la politique de recouvrement des coûts où l’usager paie en
fonction de ce qu’il consomme.
Dans un tel système, ce sont uniquement les malades qui
paient la facture, et parmi eux, les pauvres, les vieux, les enfants plus que les adultes.
Un tel système entraîne inévitablement une commercialisation de la santé.
Ceux qui
pourront payer seront correctement pris en charge, les autres risquent fort d’être laissés
pour compte.
2. La santé a un coût.
Pourtant, si la santé est un droit humain, si, comme on dit, elle n’a pas de prix, elle a
pourtant un coût.
Et celui-ci est très inégalement réparti.
Il faut la financer.
Faisons quelques observations :
- Investir dans la santé coûte finalement moins cher à la collectivité que les conséquences
économiques et sociales d’une mauvaise santé.
- Quand l’accès financier aux soins est aisé, les malades se soignent à temps et évitent
ainsi des complications nuisibles pour la santé mais aussi plus coûteuses.
- Le financement de la santé par la généralisation des mutuelles de santé rend la demande
solvable.
Cela permet aussi de relever la qualité des prestations, de consolider les
rémunérations des professionnels de la santé, d’investir dans la prévention.
3. Un financement endogène.
Les pays en développement sont aujourd’hui largement dépendants de l’ »aide »
internationale.
Aide souvent liée ; aide financée par les contribuables des Etats occidentaux
qui, par ailleurs, ne font pratiquement rien ou se font carrément complices (voir la politique
agricole commune) pour empêcher le pillage des ressources, les échanges inégaux, la fuite
des capitaux vers les paradis fiscaux…
La duplicité de certaines puissances occidentales est sans limites. Au nom des droits de
l’homme, elles prônent le droit et le devoir d’ingérence.
Elles devraient se souvenir que leur niveau de développement actuel s’est construit sur une
accumulation du capital réalisée sur l’exploitation de la paysannerie européenne
transformée en prolétariat, et sur la surexploitation des colonies, que les droits politiques
ont été conquis au prix de luttes souvent sanglantes. Elles doivent aussi et surtout se
rappeler que la déclaration des Droits de l’Homme consacre aussi les droits économiques et
sociaux et que ceux-ci ne sont pas une l »lettre au Père Noël » (comme les qualifiait J.
Kirpatrik, ex ambassadeur de Reagan aux Nations Unies…) On se demande aussi pourquoi les
pays occidentaux n’ont pas profité des longues périodes durant lesquelles elles dominaient
leurs colonies pour y faire régner les droits de l’homme…
A ce nouveau concept de droit d’ingérence, nouveau cheval de Troie des occidentaux ( on a
vu comment la France qui s’est précipitée en Libye pour y renverser un « dictateur fou » et y
établir la démocratie, s’est empressée, avant même la fin des combats de négocier de
nouveaux contrats pétroliers plus avantageux pour elle) il faut opposer le Droit International
et la reconnaissance de la Souveraineté Nationale.
C’est cette dernière que les peuples du Sud doivent reconquérir, dans tous les domaines.
C’est vrai aussi dans le secteur de la santé trop dépendant de l’aide internationale… Le
financement de la santé, par l’extension et la généralisation des mutuelles de santé consiste
en un réel effort d’une population et d’un pays pour retrouver sa souveraineté sur cette
dimension si importante de la vie sociale et économique. Les mutuelles de santé sont les
prémices d’un financement endogène généralisé de la santé.
4. La valeur cardinale de solidarité.
La mutualisation des coûts de la santé sur le plus grand nombre, et idéalement sur tous ceux
qui ont un revenu, a fortiori quand elle est l’émanation de l’initiative populaire, est fondée
sur la logique de solidarité multidimensionnelle :
solidarité des jeunes avec les vieux, des
actifs avec les non-actifs, des biens portants avec les malades, les valides avec les
handicapés. La santé est une question universelle. Elle transcende les différences ethniques,
religieuses ou philosophiques. La maladie fait partie de la condition humaine.
La solidarité maximale, c’est quand tous contribuent proportionnellement à leurs revenus mais reçoivent des soins d’égale qualité selon leur état de santé.
5. La prévoyance.
La plupart des humains – et c’est heureux- vivent une bonne partie de leur vie en bonne
santé relative. C’est le cas quand les besoins humains de base sont satisfaits.
Pourtant, l’accident, la maladie guettent à tous moment. Nul ne peut affirmer qu’il est à
l’abri.
Et quand l’accident ou la maladie surviennent, les coûts générés par les soins peuvent
être conséquents et mettre à mal toute l’économie d’un ménage et le faire basculer dans la
pauvreté. Peu nombreux sont ceux qui disposent de revenus suffisants pour faire face aux
gros risques de santé.
La mutuelle de santé organise la prévoyance collective.
Certes, les années où les adhérents
ne sont pas malades, leur cotisation sert à rembourser les soins des malades (principe de
solidarité).
Ce sera l’inverse quand leur tour viendra d’avoir besoin de soins parfois coûteux.
En payant une cotisation modeste chaque année, c’est en quelque sorte une épargne
individuelle et collective que la mutuelle de santé organise, en prévision des temps difficiles.
6. La responsabilité et la démocratie.
Les mutuelles de santé sont gérées par des organes issus d’élections organisées par et au sein de l’Assemblé générale des membres.
Elles sont ainsi des écoles de démocratie.
Les adhérents, rassemblés en assemblée générale, décident des orientations stratégiques (taux de cotisation, prestations couvertes ; conventions, élection des conseils de gestion, approbation des comptes…
Les organes de gestion sont tenus de rendre compte de leur gestion, de présenter le bilan social et financier pour approbation et d’obtenir décharge pour leur gestion.
B. Quelques principes-clés de fonctionnement.
1. Initiative populaire, loi du nombre et force de l’organisation.
Les politiques de santé sont d’autant plus efficaces que les communautés en font leur affaire
et s’y impliquent.
La participation communautaire ne se décrète pas. Si on la veut véritable, concrète et
capable d’influer réellement sur les choix et stratégies de santé, elle doit être l’expression de
la volonté populaire.
Un système mutuelliste imposé trop vite par l’Etat ne peut être approprié par la population
qui n’y verra qu’un service d’Etat de plus et n’en fera pas son affaire.
L’efficacité des mutuelles de santé repose pour beaucoup sur la masse des affilés, qui
doivent être aussi nombreux que possible.
Il est des seuils en deça desquels lancer une
mutuelle de santé est une entreprise suicidaire.
C’est non seulement crucial pour que la force de revendication, de proposition, soit réelle.
C’est aussi indispensable pour la viabilité financière de la mutuelle.
Seule une masse
significative de cotisants pourra faire face aux dépenses de santé et couvrir celles-ci de façon
substantielle.
Impossible aussi d’envisager de couvrir les frais de fonctionnement de façon
autonome sans un grand nombre d’adhérents si on veut que la part de cotisation affectée à
ces coûts de structure restent dans une proportion raisonnable et ne fassent pas augmenter
de façon excessive et injustifiée la cotisation.
La masse ne suffit pas.
Il y faut également la structuration, l’organisation.
Les mutuelles de
santé ne peuvent restées isolées les unes des autres.
Leur articulation est nécessaire pout
transformer en force politique suffisante l’expérience du terrain.
La structuration en Fédérations régionales, provinciales et ensuite en Unions Nationales est
aussi utile et nécessaire pour permettre des économies d’échelle, prendre en compte
certains besoins spécifiques, assumer des fonctions de supervision et de contrôle, d’études
et de recherche… qu’une mutuelle isolée ne pourra assumer par manque de moyens
humains et financiers.
2. La cotisation.
Celles-ci constituent l’essentiel et la base des ressources des mutuelles de santé.Pour couvrir les dépenses de soins des malades, il faut non seulement un grand nombre d’adhérents, il faut aussi que parmi les cotisants une majorité n’ait pas besoin de recourir à sa mutuelle pour un remboursement.
La mutuelle de santé ne peut survivre si elle ne rassemble que des indigents et des malades…
Il faut donc réfléchir aux règles et modalités de perception des cotisations.
De nombreuses options sont possibles : adhésion des ménages avec obligation d’inscrire et de payer pour chaque membre du ménage, cotisation familiale, cotisation différente pour les enfants, cotisation différenciée par niveau de revenus…
La logique la plus solidaire est bien sûr la cotisation par ménage, non pas liée au nombre d’enfants, mais proportionnelle à la capacité contributive de ceux-ci. Encore faut-il que cela soit faisable et ne produisent pas des effets pervers ou des coûts induits trop conséquents.
3. La couverture des soins.
Ceux-ci doivent être identiques pour tous les membres, même dans l’hypothèse où le tauxde cotisation prend en compte la capacité contributive.
On connaît les soins qui grèvent le plus les budgets des ménages : les médicaments et les gros risques ( hospitalisation, accouchements, maladies chroniques.)
La logique d’efficacité et de solidarité suppose que ce sont d’abord ces coûts là ( au moins une partie de ceux-ci) qui doivent être couverts par la mutuelle.
Pourtant, la couverture au moins partielle des petits risques a aussi son importance et sa pertinence.
D’une part, elle permet de consolider la rationalité des trajets de soins, des systèmes de référence/contre référence. Ceux-ci renforcent l’efficience des systèmes de santé.
Ainsi , de nombreuses mutuelles de santé exigent le passage au centre de santé avant de couvrir les frais d’une hospitalisation.
Cette couverture petits risques permet aussi une meilleure fidélisation des affiliés de la mutuelle, tout simplement parce que grâce à cette couverture ( qui coûte par ailleurs beaucoup moins) un plus grand nombre de membres auront un certain « retour » de leur mutuelle et en comprendront mieux l’intérêt.
Rappelons qu’en RDC, on estime à quelque 4% la population se rendant à l’hôpital sur une année.
Dans la population mutuelliste, ce taux avoisine les 16 %.
C’est quatre fois mieux. Il n’empêche qu’en cas de couverture des seuls gros risques, c’est près de 85% de la population mutuelliste qui aura payer sa cotisation sans en retirer un quelconque bénéfice direct.
Le pourcentage de ceux qui doivent recourir aux soins ambulatoires est bien plus élevée.
4. L’équilibre financier et la viabilité économique durable.
Il n’y a pas de miracle, l’argent ne tombe pas du ciel ! Les responsables et gestionnaires de mutuelles de santé doivent faire preuve de gestion rigoureuse et anticiper l’évolution des dépenses.
Ainsi, il est indispensable de démarrer sur des bases solides.
Une étude de faisabilité s’impose, car il faudra préciser le rayon d’action de la mutuelle, connaître les principales pathologies auxquelles elle sera confrontée, leur fréquence, les tarifs des prestations… sans omettre d’anticiper sur les effets de la mutualisation sur la fréquentation (pour rappel près de 4 fois plus), la capacité contributive du plus grand nombre de ménages…
On ne peut pas dépenser plus que ce qu’on a.
Une fois le niveau de cotisation déterminé ( et celui-ci doit tenir compte de l’impératif de cotisants en grand nombre), et les informations sanitaires maîtrisées, la mutuelle peut alors décider ce qu’elle va couvrir et à quelle hauteur.
Les besoins sont nombreux mais il est impossible de les satisfaire tous , surtout dans les premières années de vie de la mutuelle.
La mutuelle doit encore prévoir et anticiper d’éventuelles hausses de tarifs, la prise en charge de nouvelles pathologies, les éventuelles épidémies qui peuvent avoir un effet brutal négatif sur les avoirs de la mutuelle.
Le taux de cotisation doit être calculer en intégrant la nécessité un fond de réserve qui pourra servir en cas de situations difficiles et surtout imprévisibles.
Un autre dispositif de gestion utile, c’est la constitution d’un fond de solidarité mutuelliste, dans lequel sera versé un pourcentage des cotisations annuelles et dont les règles d’utilisation seront fixées de commun accord par les mutuelles concernées.
Ce fond doit permettre à une mutuelle ayant, pour une raison ou l’autre, épuiser ses ressources avant la fin de l’année, de continuer à honorer ses engagements vis-à vis des membres et des prestataires.
A charge pour elle de prendre les mesures adéquates pour redresser la situation dans les meilleurs délais.
5. La sécurité tarifaire
De ce qui précède, on comprendra aisément l’absolue nécessité de sécurité tarifaire. Inutile de se lancer dans une expérience mutuelliste sans celle-ci.Elle peut s’obtenir de diverses manières.
La première, simple, consiste à plafonner en termes réels le remboursement des soins par la mutuelle.
Tout ce qui excède ce plafond restant à charge des patients malades.
Si elle est aisée à mettre en oeuvre, cette technique est insatisfaisante et présente des désavantages et des risques d’effets pervers.
Le risque est grand en effet que le coût des prestations n’augmentent et que au bout du compte, la facture du patient ne reste pratiquement aussi élevée qu’avant l’existence de la mutuelle.
La population ne verra plus l’intérêt de s’affilier et cessera de faire confiance à sa mutuelle.
La sécurité tarifaire que doit chercher et obtenir la mutuelle, ce n’est pas d’abord pour elle, c’est aussi pour ses membres pris individuellement.
Pour y parvenir, il faut des conventions passées avec les structures sanitaires. Ces conventions porteront sur de nombreux aspects de droits et obligations réciproques (qualité des soins, procédures…), mais veilleront particulièrement à préciser les coûts des prestations et leur ventilation entre mutuelle et part du patient.
Il n’est pas rare de voir des structures sanitaires respecter les tarifs pou r la partie prise en charge par la mutuelle, mais gonfler abusivement celle restant à charge des malades.
Et trop de mutuelles ne se saisissent pas de la question.
Elles ont pourtant un rôle fondamental de défense des membres à assurer.
Ces négociations avec les hôpitaux sont parfois difficiles et souvent coûteuses en temps. Il est important pour les mutuelles de santé de se battre pour imposer une logique de tarification forfaitaire généralisée, validée et contrôlée par l’autorité publique.Certes, les tarifs ne doivent pas être homogènes, peuvent varier selon les zones de santé et leur niveau socio-économique, mais il faut en défendre l’application, au moins dans les hôpitaux et centre de santé de l’Etat et du »privé » intégré.
6. Des normes de qualité de la prise en charge.
Accessibilité financière et tarification forfaitaire certes, mais pas à n’importe quel, prix.
Dans une médecine à l’acte, l’inflation non justifiée des prestations est monnaie courante, puisque chaque acte est rémunérateur.
Dans la médecine au forfait, le risque est inverse : une limitation excessive des actes posés, une sous prescription de médicaments ou d’actes techniques.
Il est donc nécessaire de garantir contre ce risque.
Il faut nécessairement accompagner cette politique tarifaire par des normes de qualité de soins qui précisent les bonnes pratiques de prise en charge, les actes à poser, les spécifications des médicaments à prescrire…
7. Conscientiser et contrôler
Le bon fonctionnement d’un système mutuelliste suppose que l’ensemble des acteurs en comprenne la philosophie, les valeurs et l’intérêt collectif.
Un travail permanent de conscientisation des membres, des prestataires, des agents… est indispensable.
C’est un facteur important de succès.
C’est particulièrement vrai dans le chef des prestataires qui peuvent devenir d’excellents promoteurs de la mutuelle de santé, ou au contraire, en devenir les fossoyeurs en pratiquant la surfacturation.
La conscientisation n’exclut pas le contrôle.
Celui-ci est hélas nécessaire.
Des adhérents peuvent frauder, en ne déclarant pas tous les membres du ménage, en n’affiliant que les malades « prévisibles », en faisant passer pour affilié une personne qui n’a pas payer sa cotisation mais tentera néanmoins de bénéficier du remboursement.
Ce faisant, ces personnes indélicates font peser sur les épaules des affiliés solidaires un poids qui ne leur revient pas.
Ne pas détecter et réagir à ces fraudes, sui seront connues un jour ou l’autre, peut avoir un effet démobilisateur grave sur tous les affiliés de bonne foi.
Les prestataires aussi peuvent être tentés par la fraude, en considérant la mutuelle comme une nouvelle « vache à lait ».
Les agents de la mutuelle eux-mêmes fraudent la mutuelle de santé, seuls, ou en complicité avec certains prestataires indélicats.
Toutes ces fraudes peuvent mettre gravement à mal l’équilibre financier de la mutuelle et la mettre en faillite, réduisant à néant des années d’effort. Il faut du temps pour gagner la confiance ; on peut la saper en quelques semaines.
Il est donc impératif de prévoir et mettre en place des dispositifs de supervision et de contrôle à tous les niveaux.
Les procédures doivent être claires, transparentes et correctement appliquées. Il faut vérifier l’ »assurabilité » du membre qui sollicite le remboursement de soins.
Il faut superviser, contrôler – et c’est le rôle du médecin-conseil- la qualité des prestations, leur effectivité, leur pertinence, le respect des tarifs convenus… Le travail des cadres et animateurs mutuellistes doit aussi être contrôlé. Les flux financiers sont conséquents et il est nécessaire de les sécuriser.
Les soins sont remboursés avec les cotisations de membres qui pour la plupart, disposent de faibles revenus et font confiance à la mutuelle pour que celle-ci gère les fonds de la communauté avec rigueur et pertinence.
Il s’agit de l’argent du peuple.
La mutuelle a le devoir de le gérer correctement, et de sanctionner celles et ceux qui abusent.
8. La question des tickets modérateurs.
Est-il pertinent, dans les pays ou la consommations des soins est inférieur aux normes définies par l’OMS (elles mêmes bien modestes encore) d’instaurer un ticket modérateur sur les soins, c'est-à-dire laisser une partie du coût à la charge des patients ?
La question est pertinente.
Le TM n’est-il pas un frein de plus à l’accessibilité aux soins ?
Pourtant, plusieurs raisons peuvent plaider pour leur instauration.
Tout d’abord, de notre expérience au Sud-Kivu, nous ne pouvons conclure qu’il constitue un véritable obstacle. En 15 ans de réalité, on n’a connu aucun cas de non paiement du TM, encore moins d’évasion de l’hôpital.
Ensuite, si la consommation moyenne de soins par habitant en TDC est faible, cette moyenne cache néanmoins de sérieuses différences. Et les cas de consommation non pertinentes, voire abusives, existent…bien entendu essentiellement quand la prise en charge est totale.
Le Tm a encore cette vertu qu’il conscientise la population aux coûts de la santé .
Il eut aussi rassurer les membres mutuellistes en bonne santé sur l’utilisation justifiée et pertinente des fonds de la mutuelle.
Enfin, et c’est aussi un argument qui compte, le TM permet de maintenir la cotisation à un niveau moindre.
Rappelons le, le premier critère de réussite d’un projet de mutuelle, c’est sa capacité à faire adhérer le plus grand nombre de membres possible, et parmi ceux-ci, une majorité de personnes en bonne santé.
Pour ce faire, la cotisation doit rester raisonnable et supportable.
9. La question des indigents.
Les indigents sont nombreux et incapables de payer la cotisation.
C’est un argument utilisé par certaines personnes ou ONG pour justifier leur politique de gratuité de soins et s’opposer aux mutuelles de santé.
Il est indéniable qu’au stade actuel de leur développement, caractérisé par un nombre encore trop faible d’affiliés disposant de capacité contributive faible, les mutuelles de santé sont incapables de prendre en charge un nombre important d’indigents.
Il faut cependant relever et saluer les initiatives de certaines mutuelles où les membres décident de relever quelques peu leur participation afin de pouvoir prendre en charge quelques indigents.
Ceux-ci doivent être pris en charge par d’autres dispositifs tels les fonds d’équité.
Il est cependant possible de mettre en oeuvre des solutions qui rencontrent le problème tout en consolidant la mutuelle de santé là où elle existe. Près de longues discussions, nous sommes parvenus au Sud-Kivu à un accord positif avec les bailleurs de fonds d’équité.
Là où une mutuelle existe, le fond d’équité prend en charge la cotisation des indigents ainsi que les TM en cas de soins médicaux.
Cette intégration se réalise moyennant le respect de certains principes directeurs :
la participation du fond d’équité au fonctionnement de la mutuelle, à la constitution de son fond de réserve, garantie de l’affiliation pour minimum 3ans, et surtout, limitation du nombre d’indigents ainsi affiliés à maximum 25 % du nombre total des affiliés.
Ceci, afin de ne pas mettre à mal la philosophie de base de la mutuelle et ne pas déstabiliser son action dans la communauté.
Cela nécessite bien sûr une procédure claire, transparente, et incontestable pour le choix des indigents ainsi affilés.
10. Gérer la complexité.
Le système mutuelliste présente une certaine complexité qu’il ne faut pas négliger, comme toute politique sociale qui poursuit des objectifs de justice sociale et d’égalité.
La mutuelle doit disposer de dirigeants, cadres et animateurs aux compétences techniques éprouvées et aux qualités morales indéniables, mais aussi, qui adhèrent aux valeurs et aux perspectives de la mutuelle.
Il est indispensable de recruter les agents qui travailleront pour la mutuelle sur base d’exigences élevées.
Il s’agira ensuite d’assurer une formation permanente de qualité.
Une bonne articulation entre professionnalisme et gestion démocratique est et restera un enjeu crucial.
11. Adhésion facultative ou obligatoire ?
L’avenir des mutuelles repose sur leur capacité à se généraliser et à assurer la couverture universelle de la population.
Certains sont partisans d’une adhésion obligatoire rapide. Pour notre part, dans le contexte du Congo en particulier, nous pensons qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne.
Nous partageons évidemment l’objectif d’assurance obligatoire et de couverture universelle.
Cependant, nous pensons que le temps n’est pas pour la mettre en oeuvre.
Outre le fait que cette option mettrait à mal l’esprit d’initiative populaire et d’organisation sociale qui sont pour nous le socle du système, nous estimons que les conditions ne sont pas réunies.
L’offre de santé est encore faible, inexistante pratiquement dans certains coins reculés.
Envisager dans ces conditions une adhésion obligatoire, c’est à coup sûr risquer de grandes réticences, voire le rejet de la population qui n’y verra qu’un impôt injuste et non justifié.
De plus, il faudrait disposer de nombreux cadres compétents que nous n’avons pas encore.
Les former en nombre demande du temps et des moyens financiers conséquents…Il faut donc privilégier pour un temps encore les mutuelles d’initiative populaire sur base facultative.
Cela ne signifie pas absence de rôle pour l’Etat dans le processus.
Celui-ci peut et doit soutenir l’expansion mutuelliste, par des dispositifs législatifs, l’agréation des mutuelles répondant aux normes, des subventions au fonctionnement, une bonne régulation de l’offre, du contrôle des tarifs,
Les mutuelles de santé, c’est d’abord l’affaire des communautés.
Elles ont cependant peu de chances de s’étendre et de se généraliser sans le soutien actif des autorités publiques et de l’ETAT.