I. Intoduction
A l’heure où la communauté internationale réalise que les Objectifs du Millénaire ne seront pas atteints, en tous cas en Afrique, notamment pour ce qui concerne la santé, les questions de l’accès aux soins et du financement de la santé refont surface de façon cruciale.
La santé est un droit de l’homme fondamental.
Ce droit inaliénable est inscrit dans la déclaration des Droits de l’Homme, n’en déplaise à J. Kirpartick, ancien ambassadeur de Reagan aux Nations-Unies, qui considéraient les droits sociaux contenus dans ladite déclaration comme une « lettre au Père Noël »…
Ce droit fondamental à la santé, la conférence internationale d’ALMA ATA en 1978 tentera d’en définir les contours et de proposer les conditions de sa mise en œuvre. Elle nécessitait un changement radical de l’ordre économique du monde.
On sait ce qu’il en fut.
Quelques années plus tard, la déferlante néolibérale s’abattait sur le monde.
Dans les pays d’Afrique, malmenés par la première crise de la dette, les Etats se virent imposer les fameux plans d’ajustement structurels par le FMI et leur capacité de prise en charge des dépenses de santé fut réduite à néant.
Quelques années plus tard, l’initiative de Bamako tentera de relancer le débat et d’esquisser des pistes de solution.
On lui attribuera à tort et de façon simpliste d’avoir préconisé le recouvrement des coûts chez les malades.
Elle aura au contraire contribué à lancer l’idée des mutuelles de santé pour favoriser un meilleur accès aux soins des populations pauvres.
Les coûts de la santé sont élevés.
Et on peut affirmer sans risque de se tromper, que partout dans le monde, mis à part les quelques pourcents de personnes parmi les plus riches, sans couverture de santé, les soins sont inaccessibles pour le plus grand nombre.
Il est dès lors légitime de revendiquer la gratuité des soins.
A fortiori pour les pauvres du Nord et les masses miséreuses du Sud.
Certes. Mais comment garantir durablement cette (quasi)gratuité, comment et par qui la financer ?
La responsabilité en revient d’abord aux Etats.
La santé est chose trop sérieuse pour être laissée à l’initiative individuelle, encore moins au marché.
La santé de la population doit constituer une des préoccupations majeures d’un Etat digne de ce nom.
Cette responsabilité, il peut l’exercer en organisant lui-même tout le secteur de la santé, en gérant les hôpitaux, les centres de santé, en organisant tout le circuit de distribution des médicaments…
Il peut aussi exercer sa responsabilité en déléguant certains services à d’autres institutions. Il doit alors impérativement jouer son rôle normatif en légiférant de manière adéquate et exhaustive.
Il doit jouer son rôle régulateur en fixant les balises, en contrôlant les acteurs…
L’option d’une politique de gratuité ou quasi gratuité des soins nécessite une vision, une planification, la construction d’un système structurel national durable et soutenable qui repose soit sur une mobilisation de fonds par l’impôt, soit par des cotisations sociales comme dans le cas de mutuelles de santé (soit un mixte des deux logiques).
Le passage à la couverture universelle, à l’assurance santé obligatoire ne se réalise pas d’un coup de baguette magique.
Depuis 4 ans, la RDC s’est lancée dans le processus de couverture universelle.
Une commission présidentielle sur la couverture universelle a proposé un avant-projet de loi visant à garantir l’accès de tous à des soins de santé de qualité.
Ce système de couverture universelle en soins de santé repose sur plusieurs principes:
1° L’instauration d’un système d’assurance maladie obligatoire
2° La solidarité nationale qui impose à chaque bénéficiaire une contribution financière sous forme de paiement anticipatif appelé cotisation et le cofinancement des cotisations des ménages à faibles revenus, en particulier les démunis et les vulnérables, par des ressources publiques.
3° le droit de toute personne vivant sur le territoire congolais de bénéficier d’un paquet de base des soins de santé;
4° La participation de l’employeur et des employés à la prise en charge des soins de santé de ces derniers dans les secteurs formels;
Le pays a récemment voté une Loi sur les mutuelles de santé.
C’est probablement la première Loi sociale depuis l’indépendance.
Elle remplace celle de 1958, avant l’indépendance, maintenant obsolète.
Il s’agit d’une grande avancée dans la politique d’accès aux soins de santé. Les mutuelles de santé existant déjà sont nées de la volonté de communautés, elles sont d’initiative populaire et entendent le rester.
L’extension, la généralisation progressive des mutuelles de santé sera le fait du travail de terrain et la concrétisation de cette volonté populaire.
Pourtant, celle-ci ne peut y arriver seule.
Le soutien de l’Etat est indispensable.
Pour légiférer, donner un cadre légal, préciser les droits et devoirs des mutuelles de santé, éviter les dérives, pour aussi en financer partiellement le fonctionnement, pour réguler les relations avec les prestataires…
Pour peut-être demain qui sait, partir de cette base pour construire une institution nationale capable d’encadrer l’ensemble du financement mobilisé par la population.
Malgré ces avancées pourtant, il faut reconnaître que, face aux partenaires en Santé qui amènent des fonds supérieurs à ce qu’il mobilise lui-même pour la santé dans son budget, l’Etat intervient peu et laisse trop souvent se mettre en place des politiques contraires aux intérêts du pays et de la population.
Le secteur de la santé trop dépendant de l’aide internationale.
Mais les crises financières et économiques qui frappent les pays du Nord ont pour conséquence des réductions parfois drastiques des budgets de coopération au développement.
L’Espagne a ainsi réduit son budget de plus de 6O% l’Italie de 34,7%, la Grèce de 17%, la Belgique de 13% en 2012.
Peu de pays respectent l’objectif fixé par la communauté internationale de consacrer 3.7% du RNB à la coopération au développement.
Partout les aides publiques sont en régression.
Plus que jamais dès lors, la question de la souveraineté de l’Etat se pose. Elle passe par les capacités à créer de la richesse, à en ponctionner une partie, à la répartir correctement et à financer les besoins sociaux.
La question se pose aussi pour le secteur de la santé.
Il semble difficile d’imaginer qu’à court terme, l’Etat Congolais recouvre sa plaine souveraineté en la matière et soit capable de financer directement le système de santé et les coûts des soins de la population.
Dans ce contexte, le financement de la santé, par l’extension et la généralisation des mutuelles de santé peut constituer une voie possible.
Car elles consistent en un réel effort d’une population pour prendre en charge solidairement les coûts de la santé. Les mutuelles de santé, outre qu’elles améliorent considérablement l’accessibilité financière aux sois de santé, constituent ainsi les prémices d’un financement endogène généralisé de la santé.